L’irrésistible ascension du prestige de l’architecte (du XIIe au XIVe siècle)
Les artistes des XIe et XIIe siècles ont laissé peu de traces. Est-ce parce qu’ils se considéraient comme des « artisans » ? S’effaçaient devant les principes de la commandite religieuse ? Préféraient l’anonymat ? Certainement pas, du moins c’est mon sentiment. Cette époque ajoute des interrogations spécifiques à celles qui sont intemporelles : que penser des « signatures » sur la pierre ? de l’absence de spécialisation ? de l’itinérance des « ateliers » que suggèrent les ressemblances formelles ?
À partir du XIIIe siècle, quelques personnalités émergent grâce à la production et conservation de contrats écrits. Pour autant, le terme « architecte » n’existe toujours pas, et un créateur reste non spécialisé : il y a des architectes/orfèvres, des maçons/sculpteurs, des architectes/ingénieurs, des architectes/sculpteurs/peintres…
On abordera un certain nombre de personnalités, comme Étienne de Mortagne, Pierre de Montreuil, Jean Deschamps, Giotto, Giovanni Pisano, Guy de Dammartin… Ce faisant, on devra constater que l’époque du gothique dit « rayonnant » correspond à une exaltation du métier d’architecte, personnage qui est désormais représenté en robe, non en vêtement court, et qui signe ses grands chantiers par des labyrinthes en référence à Dédale, à moins qu’il ne se prenne pour Salomon. Parallèlement, l’architecture impose ses dessins, « rayonnants » comme il se doit, à tous les autres arts : peinture, sculpture, enluminure, émail, vitrail, ébénisterie et même dentelle…
Professeure émérite d’Histoire de l’Art médiéval à l’université de Poitiers, enseignant-chercheur au Centre d’Etudes supérieures de Civilisation médiévale (UMR 7302, Université/CNRS), Claude Andrault Schmitt est co-directrice avec Nicolas Prouteau du programme collectif de recherche (PCR) sur le palais de Poitiers. Elle est également partenaire des programmes d’études monastiques de Cécile Treffort (Poitiers) et Christian Gensbeitel (Bordeaux) et à ce titre formatrice d’animateurs du patrimoine, notamment pour le groupe ABBATIA.
Elle est responsable d’édition à la Société des antiquaires de l’Ouest et membre du comité de pilotage de l’UIA (Poitiers) ; secrétaire de l’Association de l’Espace Mendès France – Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle en Nouvelle Aquitaine ; membre de RHL (Rencontre des historiens du Limousin).
Pour en savoir plus :
Quelques publications
– Limousin gothique. Les édifices religieux, ‘Monuments de la France gothique’, Picard, Paris, 1997
– La cathédrale de Tours, La Crèche, Geste Editions, 2010
– La cathédrale Saint-Pierre de Poitiers. Enquêtes croisées, La Crèche, Geste-éditions, 2013
– Notre-Dame-la-Grande de Poitiers (Je découvre…), La Crèche, La Geste poitevine, 2018
– L’abbaye de Solignac (VIIe-XVIIIe siècle). Mémoires plurielles d’une très ancienne fondation, textes réunis pas Claude Andrault-Schmitt, Stéphane Lafaye, Jean-Loup Lemaitre, Limoges, Pulim, 2022
Articles récents
– « Un mémorial aristocratique : le monastère de Grandmont au comté de la Marche (1177-1307) », Cahiers de Civilisation médiévale, 59, 2016, p. 113-141.
– « Limoges, cathédrale Saint-Etienne. Les tombeaux monumentaux (1322-1349), Haute-Vienne romane et gothique. L’âge d’or de son architecture, Congrès archéologique de France coord. par E. Vergnolle, 172e session, Société française d’Archéologie, Paris, 2016, p. 77-94.
– « Repenser le contexte de l’architecture de Saint-Étienne de Bourges. Du Centre de la France à la Castille (1160-1230) », Cathédrale de Bourges, Tours, Presses universitaires François-Rabelais (Patrimoine en région Centre-Val de Loire, Ministère de la Culture), 2017, p. 313-329
– « Le décor gothique de la chapelle des Apôtres à la cathédrale de Poitiers » (en coll° avec Claudine Landry-Delcroix), Académie des Inscriptions & Belles-Lettres. Comptes rendus de l’année 2017, janvier-mars, p. 433-457
– « La création picturale à Poitiers au temps de l’évêque Gautier de Bruges : les somptueux échos d’une belle époque (1279-1307) » (en coll° avec Claudine Landry-Delcroix), dans Les inattendus de la commande artistique. Revue historique du Centre-Ouest, 16, 2017, p. 27-110
– « La cathédrale de Tours aux XIIIe et XIVe siècles. Les enjeux de l’histoire monumentale », Cathédrale de Tours, Patrimoine en région Centre-Val de Loire, Ministère de la Culture, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, p. 23-51
– « Le temps du monument. Un piège pour l’historien de l’architecture médiévale », dans Le temps des Limousins, R. Chanaud et P. Bouchaud dir., RHL/Pulim, Limoges, 2019, p. 163-179
– « L’abbaye de Fontdouce (commune de Saint-Bris-des-Bois) », dans Congrès archéologique de France, 177e session, 2018, Charente-Maritime. Monastères en Saintonge, Christian Geinsbeitel coord., Paris, SFA, 2020, p. 189-205.
– « Le ‘prieuré’ Notre-Dame d’Oulmes (commune de Nuaillé-sur-Boutonne) », dans Congrès archéologique de France, 177e session, 2018, Charente-Maritime. Monastères en Saintonge, Christian Gensbeitel coord., Paris, SFA, 2020, p. 373-385.
– « Fontevraud et les ordres « au désert ». L’expression architecturale de l’austérité et sa chronologie en territoire plantagenêt », dans Fontevraud et ses prieurés. Études d’histoire, d’histoire de l’art et d’archéologie (textes réunis par C. Andrault-Schmitt, P. Bouvart et C. Treffort), Limoges, PULIM (collection « Histoire »), janvier 2021, p. 89-112.
– « L’architecture de l’Épau à l’aune des fondations cisterciennes princières du XIIIe siècle », dans Les Plantagenêts et le Maine, Territoires, relais et représentations du pouvoir, M. Aurell, Gh. Baury, V. Corriol, L. Maillet dir., Rennes, PUR, mai 2022, p. 244-267.
– « La matérialisation de la subordination et de la stricte clôture à Coyroux d’Obazine : XIIe ou XIIIe siècle ? », Le monachisme féminin dans l’Europe méridionale au Moyen Âge. Annales du Midi. Revue de la France méridionale, 133, 2021 [2022], p. 425-448.