Infos de l'UTL
L’œuvre d’Aragon des années Dada aux années 80
Luc Vigier nous présentait sa conférence « comme une biographie illustrée », ce qui semblait une démarche propre à restituer la complexité du parcours d’un intellectuel « engagé », jusque parfois dans ses dérives.
Beaucoup dans ma génération avaient en effet pris en grippe, sans avoir eu besoin de le lire, le communiste orthodoxe des années 30 de « Front Rouge » : « Feu sur Léon Blum », « Hourra l’Oural , « vive le Guépéou » !
Il avait fallu l’anarchiste Léo Ferré pour nous faire découvrir et aimer le poète de « Est-ce ainsi que les hommes vivent ».
Il avait chanté, dans les années 60, « l’affiche rouge » et la mémoire des résistants immigrés du Groupe Manouchian alors que le mémorial du Mont Valérien vient d’être récemment souillé par des imbéciles décérébrés.
Aragon alimentait ainsi l’imaginaire de ceux d’entre nous qui se voulaient les « nouveaux partisans, francs-tireurs de la guerre de classe », ceux qu’évoquent justement Jacques Tardi et Dominique Grange dans un très beau roman graphique.
Aragon le communiste contribuait, tout comme les gaullistes, à entretenir le mythe d’une France unanimement Résistante que nous n’apprendrons à questionner qu’avec Robert Paxton en 1972.
Sa conjugalité lyrique avec Elsa Triolet portait à sourire en des temps de libération sexuelle, alors pourtant que Jean Ferrat «disait avec Aragon la femme est l’avenir de l’homme ».
Nous ignorions sa crise identitaire face à la déstalinisation et à l’invasion de Prague et nous ne voyions en lui que le rédacteur en chef des « Lettres Françaises » que nous croyions, sans les lire, l’organe du « bilan globalement positif » revendiqué par le PCF.
Nous ne nous privions pas non plus d’ironiser avec Nicolas Peyrac sur ce vieux dandy qui s’affichait sur le tard parmi les « minets » du Café de Flore.
Revisiter Aragon et son œuvre avec un homme de la génération de Luc Vigier pouvait nous donner l’occasion de sortir des trop faciles réécritures a posteriori.
Le conférencier fut à la hauteur de nos attentes, il aura donné à plus d’un l’envie de relire, ou tout simplement de lire, la très abondante oeuvre d’Aragon.
Ne manquez pas de venir écouter Luc Vigier lorsqu’il reviendra à La Rochelle.
Nous partageons avec vous la dédicace qu’il a eu la gentillesse de laisser sur le Livre d’or :
👉 « Dédicace Luc Vigier«
Jean-Pierre Debauve