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29/05
Cinéma

Le plaisir des larmes

La première séance nous a permis d’explorer les sciences cognitives par deux aspects : les larmes sont la manifestation d’une sensibilité émotionnelle, assimilables à des empreintes digitales, et on s’interdit de porter un jugement si quelqu’un pleure.

Au XVIIIe siècle, les larmes étaient facilement versées et très variables, chaudes, de plaisir, douces ou prudentes, voire utilisées un peu par cynisme.  Aujourd’hui elles sont plutôt acceptées. En Europe, on s’excuse de pleurer, en Inde c’est la base, et même d’une certaine noblesse. La retenue des larmes est davantage pour un homme qu’une femme, avec effusion pour elles alors qu’une injonction (du père) de ne pas pleurer est induite dans un groupe d’hommes. Descartes avait raison, les larmes suivent l’émotion et entrainent diverses décisions conséquentes. Des extraits du documentaire de Claire Simon sur la violence entre enfants dans une cour de récréation puis, un peu plus noir, un professeur sombre dans la folie et la démence suite à sa dépendance à la cortisone ; Derrière le miroir, 1956- Nicholas RAY– des images fortes et dures d’un fumeur avec cigare alors qu’il a un cancer du poumon ! Pas de larmes ? Alors « 2001, l’odyssée de l’Espace, la mort de l’ordinateur HAL–avec le son, la musique dit ce que les protagonistes ne disent pas. Franck Capra travaille sur les émotions avec Lady for a Day (1933). Un long extrait du Parrain 3, pour la durée, sa violence et sa musique volontairement forte. Mais il n’y a pas de recette, c’est le risque du 1er degré. Fin de séance en partage des impressions avec les participants.

Retour en seconde séance sur ce qui fait pleurer ; l’appel à certaines valeurs : le sens de la justice avec lequel le spectateur compose alors que le cinéaste propose et fait exprès, en faisant durer le plan… et où la musique joue un rôle. S’interroger sur les raisons des larmes aujourd’hui, c’est le mélo et l’alliance avec la musique ou le chant, le comique, le burlesque (Le Roi – Chaplin), la situation sociale d’une femme, célibataire avec enfant, Lupino, et un public féminin, les femmes et leurs combats KinuyoTanaka. Les films hindous avec danses et musique, costumes et histoires d’amour à l’eau de rose assurent 3 heures de larmes ! Il faut accepter cette situation du 1er degré, mais aujourd’hui plutôt du 2ème degré. La causalité organisée : se révolter, se plaindre, se laisser aller ; les situations sont décrites plutôt par le bas de l’échelle sociale, accompagnées d’un déséquilibre entre réalité et banalité. Extrait d’Une chambre en ville de Jacques Demy avec R Berry et D. Sanda : il est malheureux de la rendre malheureuse, Puis l’autodérision permet aussi une phase lacrymale, Sur la Route de Madison, Clint Eastwood, l’acteur aux cheveux plaqués sous une pluie a abandonné son propre bonheur aux profits des enfants qui découvrent l’histoire de leur mère au début du film. Le Kid, Chaplin, personnage vitrier avec maison et métier se voit arracher un enfant adopté, visionnement d’abord sans le son, 2ème vision avec le son, le burlesque domine mais aucun rire.

Des larmes sont possibles quand les hommes aiment leurs enfants, Gary Grant ; E.T. est émouvant quand, devant une kyrielle de scientifiques, il est déclaré mort, puis ressuscite en s’inscrivant contre le savoir/ le catholique à une strate supérieure. Autre extrait Mirage de la vie, Douglas Sirk, son dernier film couleur : décrit l’entraide entre une actrice Star blanche et une gouvernante noire dont la fille est partie et son retour tardif, par un portrait d’une mère reniée et repoussée, qui n’a qu’un seul défaut : être noire, et  dont l’image de fin est le couple enlaçant les deux enfants sous le sourire du mari… TOUT est devenu conformité. Est-ce la reproduction d’une Amérique, telle qu’elle est, en 1959 ?

Merci à Carole Desbarats de nous avoir fait partager des extraits de films lumineux, drôles, burlesques et émouvants. Et je n’ai pas pleuré.

 

Francis Morin